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Pain et vin avec Hölderlin


Pain et vin avec Hölderlin - Article "Aliment et développement"  -  Septembre  2018 

"Pain et vin avec Hölderlin " est un regard sur l’aliment et la question alimentaire à travers la poésie. L’article de Lien [1] du même nom y est intégralement relayé. Il est suivi de quelques réflexions qui sont d’actualité.

" Il n’y a pas si longtemps de cela, raconte Aminta, j’ai relu  Les misérables , le roman  de Victor  Hugo. Je lui ai trouvé un tout autre intérêt en plus de cette sensibilisation à l’histoire des pauvres de son époque. C’est le quignon pris par Jean Valjean traqué à vie par Javert. Ce quignon n’est pas seulement que le début de l’histoire, il est toute l’histoire qui, au reste, est sans fin. Le quignon a rassasié ! peut-on dire : Jean Valjean, la providence pour Cosette, Jean Valjean le combattant des droits des pauvres…Jean Valjean le pécheur devenu honnête, bon et loyal homme. 

Combien de personnes, à travers le monde,  rompant le pain à leur table en toute quiétude ne le doivent pas au quignon pris par quelque Jean Valjean ou aux couverts  d’argent que quelqu’un s’est laissé dérober un jour en recevant un étranger sous son toit? Cela se sait bien, mais si l’on pouvait se le rappeler assez souvent  ou se dire que le repas  pris est aussi ce quignon mémoriel, cela également serait bien ! 

Alors ces images, de la télévision ou des journaux, montrant ces affamés du monde, seraient un souvenir présent des choses passées pour beaucoup. Et bien de regards changeraient de ton et bien de dons de regard, puisque dans cette misère du monde l’on s’y reconnaîtrait non pas seulement aux prises avec sa propre conscience mais avec sa fibre, elle aussi a eu faim un jour plus ou moins lointain : sa dignité aussi a été méprisée ! Et comme l'on est toujours honnête avec les tout-petits, les enfants, aux questions souvent  inattendues, on répondra toujours utile à leur demande :

 « Raconte-moi pourquoi je n’ai pas faim, moi ! ». C’est la fibre qui parlera d’une part, c’est la fibre qui s’éveillera d’autre part, c’est la connaissance de soi en se reconnaissant dans l’autre ! elle libère l’homme sinon qu’elle prépare la voie de celle dont parle Hölderlin.

Peu de temps après cette nième lecture de l’œuvre de Hugo, j’ai  rencontré la poésie de Hölderlin, inopinée était cette rencontre !  « Le pain et le vin, à Heinse »[2]. Là également, il s’agit de connaissance de soi,  l’attente messianique de Hölderlin, cette connaissance acquise par tous libérera l’homme. Aussi, placée sous le signe de l’aliment (le pain et le vin), cette connaissance libératrice doit être accessible à tous. Cette attente est chantée en particulier dans ces fragments ci-joints des strophes 1, 2, 3, 8 et 9 du poème. C’est dire aussi toute l’importance que cette âme  accorde à l’aliment qui au reste n’a rien de commun. Produit du travail des hommes, nourricier et convivial, l’aliment libérateur est au cœur de ce grand marché qu’est le monde. La vie de chaque homme n’est-elle pas aussi son marché à l’aliment ? Hölderlin, pour ses poèmes demandait au lecteur de le lire avec bonté. Pour lui, nous demandons également au  lecteur de lire ces fragments avec diligence sinon avec bonté.

Pour ce qui concerne la science, il ne serait pas faux de dire que l’aliment n’a pas encore livré tout son secret. L’aliment devient de plus en plus le terrain d’investigation de toutes les sciences fondamentales, appliquées et sociales. Si cela se passe le plus souvent à la demande  des technologies et sciences de l’aliment il n’en demeure pas moins que pour l’évolution de ces sciences, l’aliment, c’est aussi l’avenir : vaste domaine d’investigation, disponible,  les perspectives à plus ou moins long terme qu’il offre sont nombreuses, bref un trésor pour la recherche scientifique. Quoi qu’il en soit, la connaissance de l’aliment implique forcement la prise de conscience de soi avec tout ce qui s’y rapporte

Il est heureux de voir que l’homme gagne la disponibilité et la qualité alimentaire et partage. On ne peut qu’être fier et confiant, le monde de paix se fait : à grandes enjambés en avant certaines fois, voire à petits pas à reculons d’autres fois, mais qu’importe, il se fait ! Avec l’œil de Hölderlin, défait de toute angoisse et peur,  il est des merveilles que l’homme ne peut taire : c’est l’homologie du quignon en toute chose, dans tous les temps et en tout lieu. Et pour le quignon qui rassasie, force est de considérer la traque, implacable et perpétuelle, que livre Javert à Jean Valjean. Mais quel est le crime de ce dernier ? Il avait si faim de ce pain-là qu’il n’avait pas attendu qu’on le lui donne et il l’a pris pour sa vie ! Avec lui ce pain a rassasié foule. En fait, il a pris ce qui est à lui et rassasié ceux qui y ont droit de toute manière !                Aminta"

"LE PAIN ET LE VIN, À HEINSE 


[…] Rassasiés des joies du jour, les hommes rentrent au logis

(…) ; dépouillé de grappes et de fleurs

et des ouvrages de la main de l'homme, le marché  affairé  s'en­ dort …


[…] Et l'homme intègre aime aussi à plonger ses regards  dans la nuit;

il sied même de lui vouer des couronnes et des chants, 

car elle est consacrée aux insensés et aux morts,

bien qu'elle demeure à tout jamais parfaitement lucide […]

 

 

Au reste, c'est en vain que nous refoulerions 

nos cœurs dans nos  poitrines,…………………………

c'est en vain que nous voudrions contenir notre humeur […],

car qui donc voudrait nous contrecarrer ou troubler notre joie ?

Un feu divin nous incite, jour et nuit,

à aller de l'avant. Donc viens, allons à l'air libre,

allons chercher le bien qui est nôtre, si loin qu’il faille aller. […]

Chacun va vers ce terme et y arrive s'il le peut.

Courage donc, et qu'une joyeuse folie se moque des  moqueurs,

quand dans la nuit sacrée elle s'empare soudain des  poètes ! […]

 

[…] Le pain. , fruit de la terre, reçoit les bienfaits de la   lumière

et c'est au dieu tonnant que nous devons la joie du vin.

Ces dons nous rappellent les Immortels qui jadis

ont vécu parmi nous et reviendront au temps marqué  […]

 

[…] Ce que les poèmes anciens ont prédit aux  enfants de Dieu

en nous se réalise: vrai fruit des Hespérides.

Tout s'accomplit, par un miracle de précision, chez l'homme même.

 Qui en fut l'objet le croira .[…] 

Un jour pourtant, notre Père, l'Éther, connu de tous, appartiendra à tous

[…] En attendant, survient, porteur de torche chez les Ombres,

le Fils du Très-Haut, le dieu  syrien.. […]

et Cerbère  même, le dogue jaloux, ayant bu à cette coupe,  s'en­ dort."

"BROD UND  WEIN,  AN  HEINZE


 [… ] Satt gehn heim von Freuden des Tags zu ruhen die Menschen

(…); leer steht von Trauben und Blumen,

Und von Werken der Hand ruht der geschäftige Markt …

 

[…] Oder es blickt auch gern ein treuer Mann in die Nacht hin.

Ja, es ziemet sich ihr Kränze zu  weihn und Gesang, 

Weil den Irrenden sie geheiliget ist und den Toten,

Selber aber besteht, ewig, in freiestem Geist […]

 

 

Auch verbergen umsonst das Herz im Busen, umsonst  nur

Halten den Mut noch wir, Meister und Knaben, denn Wer […]

Möcht es hindern und wer möcht' uns die Freude  verbieten ?

Göttliches Feuer auch treibet, bei Tag und bei Nacht,

Aufzubrechen. So komm! Daß  wir das Offene schauen,

Daß ein Eigenes wir suchen, so weit es auch ist.  […]

Dahin gehet und kommt jeder, wohin er es kann.

Drum ! und spotten des Spotts mag gern frohlockender Wahnsinn,

Wenn el in heiliger Nacht plötzlich die Sänger ergreif  […]

 

 […] Brot ist der Erde Frucht, doch  ist’s vom Lichte gesegnet

Und vom donnernden Gott kommet die Freude des  Weins

Darum denken wir auch dabei der Himmlischen, die sonst

Da gewesen und die kehren in richtiger Zeit, […]

 

[…] Was der Alten Gesang von Kindern Gottes geweissagt,

Siehe! wir sind es, wir; Frucht von Hesperien ists!

Wunderbar und genau  ists als an Menschen erfüllet,

Glaube, wer es geprüft! […]

Vater Äther erkannt jeden und allen gehört.

[…] Aber indessen kommt als Fackelschwinger des Höchsten

Soho, der Syrier, unter die Schatten herab. […]

Selbst der neidische, selbst Cerberus trinket und schlifft"


Cet article de Lien  relayé par A&D est bien alimentaire et est d’actualité.  L’aliment devient de plus en plus le terrain d’investigation de toutes les sciences fondamentales, appliquées et sociales. Si cela se passe le plus souvent à la demande des technologies et sciences de l’aliment il n’en demeure pas moins que pour l’évolution de ces sciences, l’aliment, c’est aussi l’avenir. En scrutant la gerbe, la grappe  et le support (la nappe) de la figure, ci-dessus, on ne peut s’empêcher de sourire, « Oh, l’ombre n’est-elle donc pas sombre ? »  Comme quoi, le numérique et la recherche en Design peuvent contribuer à une large vulgarisation des sciences physiques [3] et [4], lorsqu’il faut expliquer le phénomène à tous ceux qui voudraient en savoir plus.

Le quillon volé par jean Valjean est la cause de la traque implacable menée par Javert.  Bon nombre de lecteurs n’ont-ils pas retenu, au premier plan, la bonté de Jean Valjean et relégué au second le devoir accompli du policier Javert ? Il a remis à la justice le forçat évadé. Javert y est allé,  pour devoir, jusqu’à donner sa vie. Aussi, ce devoir finit sur une pointe, tellement aigue, qu’elle est dépourvue de consonance, puisqu’elle est à peine retenue par le lecteur ou c’est à peine si le lecteur s’y interroge. Elle fait peu d’effet dans l’immédiat. Javert ne devrait pas mourir ! Sa mort n’est pas seulement que la fin de l’histoire, elle est une histoire du fonctionnement des institutions où Javert et Jean Valjean se rencontrent, se défient et la Justice qui table et tranche. Javert ne doit plus mourir pour sa loyauté et Jean Valjean ne doit plus fuir inlassablement le policier Javert confiant en la Justice. Quant à Jean Valjean, sa  justice depuis l’adoption de Cosette, le sauvera-t-elle ? Peut-être bien et pour de bon !

La lutte contre la pauvreté, devient chaque jour, au travers des articles d’actualité, partout dans le monde, le cheval de bataille du développement durable. La pauvreté a ses faiseurs, des hommes, aussi la lutte contre, c’est affermir en chacun la Justice, le Droit et la foi (ne serait-ce en l’homme). La pauvreté a aussi ses « se faisant ». Dans tous les cas, la lutte contre la pauvreté , c’est, pour tous, la veille du devoir par la loi. Cela passe par l’éducation. L’Ecole de la République n’offre-t-elle pas un cadre idéal pour aborder toutes les questions liées à la pauvreté ? Elle nihil (e) la peur, celle de l’expression principalement. Aussi, tout de go, comme une chanson de rap on peut dire :  «Ne soyons pas pauvres ! Tu dégrades, tu empêches, tu détruis, le bien privé ou commun, tu n’appauvris pas qu’une personne, une cité, une ville, un pays et le Monde, mais toi avec ! et si tu t’en fous, moi pas… » (C’est avec des plaisanteries que les gens viennent le plus facilement à bout de ces choses) [5] 


 Références bibliographiques et notes

[1] Pain et vin avec Hölderlin - "Aliment et culture" dans Lien n° 6, juillet 2005

[2] Geneviève Bianquis - « Le pain et le vin, à Heinse », Hölderlin (Poèmes)

[3] La physique de l’élégance - Article du 06/09/2018  www.lemonde.fr

[4] L'aliment et la question alimentaire - Un mois d'actualités – Juillet 2018 

[5] Voir l'article "Le 8 mai"