Le banquet dans l’art - Nature morteau dessert de Jan Davidsz de
Heem et Le roi boit ! de Jacob Jordaens - Article "Aliment et développement" du 23 mars 2018
Si l’aliment est le sujet le moins prisé des artistes peintres, les représentations du banquet lui donne sa place exceptionnelle dans leur art. L'on peut le voir au travers des tableaux célèbres dont celui de Heem (Jan Davidsz de) et celui de Jacob (Jordaens) de cet article.
Nature morte au dessert
Le tableau de Jan Davidsz de Heem (1606-1684), Nature morte, a déjà fait l’objet de notre attention dans la question « L’aliment est–il une nature morte ? » . Nous disions alors que Nature morte dans ce tableau ne pouvait pas désigner les aliments mais les conséquences de l’abus : l’altération de de la santé et le devenir de l’individu.
Concernant le présent article, ce qui retient l’attention dans ce tableau, c’est l’équilibre des assiettes et le fond noir. Plus que les conséquences de l’abus, cet équilibre précaire dénoterait l’état dans lequel les convives ont quitté les lieux de la fête pour s’évanouir dans la nuit noire. Cette nuit sera-t-elle celle d’un sommeil reposant ou celle d’une rencontre avec le destin pour un lendemain radieux ou sombre, indépendamment de tout abus de consommation ? Aussi, le fond du tableau serait l’éventuelle suite du banquet et tout ce qu’elle implique comme incertitudes et aléas de la vie.
Le roi boit !
Le roi boit ! de Jacob Jordaens (1593-1678) montre un roi coiffé d’une couronne de papier, et, les yeux mi-clos, porter un verre à ses lèvres. Si Jacob Jordaens n'évoque dans ce tableau qu'une manifestation typiquement flamande, la Fête des Rois, prétexte à un festin entre parents et amis, il n’en demeure pas moins que ce tableau peut diredavantage. On pourrait même faire le parallèle avec le tableau de de Heem.
L’hébétude du roi ne dénote t-il pas aussi un équilibre précaire ? Et le fond noir du tableau ne serait-il pas aussi les incertitudes et aléas des institutions, tout au moins, suite aux festivités d’un roi ? Cela n’est pas péjoratif. L’histoire des peuples nous l’enseigne bien.
À ce sujet la littérature sacrée donne des exemples sensibles. La mort de Jean le Baptiste peut inspirer toutes les attentions en ce qui concerne la responsabilité de chacun sur la vie des personnes, des familles, des Etats et des institutions. Celle - ci dite (texte ci-dessous) sur un air de complainte, improvisé, on peut voir à quel point le banquet peut se transformer en tragédie.
Une voix aurait pu s'élever "La tête de Jean appartient à Dieu!", cela peut être dit au roi, quand on n'est pas en mesure de lui demander laquelle moitié il offre. Il y aurait eu un droitprévenant, une voix aurait pu arrêter le crime.
Ce banquet est aussi la grande question des lois et de nos institutions démocratiques. Le droit pénal fonctionne à merveille, qu'en est-il du droitprévenant ?
La cour a droit aux délices du roi et partage sa puissance, le droit prévenant assure son devoir et la fortifie dans l'intérêt général.
Heureusement pour le royaume, peut-on dire ! après la démonstration de sa présence, le prince de la fête, tire toujours sa révérence. Alors, arrive, en toute hâte, le roi de la justice. Cette métaphore est si bien illustrée dans la scène finale de Salomé, l’opéra de Richard Strauss (1905) d’après l’œuvre d’Oscar Wilde.
Il est heureux et même très heureux que l’UNESCO, pour l’humanité, ait souvent rappelé l’universalité de la culture, elle est le patrimoine de tous. Alors, puisque signe est fait à tous, allons puiser aux sources de nous tous pour nous tous ! Aussi, ce tableau "Le roi boit !" peut être accompagné de ce fragment du Livre des Proverbes de l’Ancien Testament :
« Ce n’est pas au roi, Lemouel
Ce n’est pas au roi de boire du vin […]
Ouvre ta bouche pour le muet,
Pour la cause de tous les délaissés
Ouvre ta bouche, juge avec justice… »
C’est dire aussi toute la richesse de la littérature sacrée. On y trouve toutes les préoccupations humaines (questions, appels ou réponses) que peuvent avoir les personnes et les institutions. Certes, tout le monde ne sera pas toujours d’accord avec tout le monde quant à la jouissance que chacun peut faire de cet héritage. Mais il y aura toujours notre grand cœur de justice, sinon de pardon, et surtout notre fierté d’être homme (notre humany), cela même qui saisit tout et transforme tout en vie pour l’homme. N’est-ce pas, de la boue ou du chaos, il eut l’homme, le meilleur du Tout en tout ? Aussi, confiance, du tout il en fera le meilleur pour le Tout !
La jeune fille était belle, très
belle ,
Dans ses sept voiles, aux yeux du roi !
« Danse pour le roi ! »
lui dit-il.
La jeune fille dansa, elle dansait
bien,
Retirant avec grâce l’un après
l’autre
Ses sept voiles. Ainsi elle dansa bien,
Et c’était bien, devant le roi !
Et c’était
Si bien pour le roi, qu’elle plût au
roi !
« Demande tout ce que tu voudras,
Je te l’accorderai jusqu’à la moitié
Du royaume !» dit le roi !
La jeune fille vaut bien la moitié du
royaume !
Et la moitié du royaume vaut bien
Une danse qui plut au roi.
Qu’adviendra-t-il
De l’autre moitié la prochaine
fois ?
La jeune fille avait dansé si bien, elle plût au roi
Ne sachant que demander au roi,
La jeune fille s’enquit auprès de sa
mère !
« Demande-lui la tête de
Jean ! » dit la mère.
La jeune fille revint aussitôt vers le
roi,
Elle demanda la tête de Jean, la tête
du juste !
Le roi avait fait serment ! la
jeune fille avait
Dansé si bien qu’elle plût au roi !
Sur l’ordre du roi, le bourreau s’en
alla !
Il prit la tête du juste, il plaça la
tête du juste
Sur un plateau d’argent. Le bourreau revint
Vers le roi, il tendit le plateau au
roi !
Le roi prit le plateau des mains du bourreau
Et le remit à la jeune fille ! La
jeune fille porta
Le plateau à sa mère qui le prit !
La voix du juste,
Est-elle éteinte pour
autant ? Non !
La jeune fille avait si bien dansé,
elle plut au roi !
Note Article de "Lien" n°7 de novembre 2005 mis à jour