L'eau dans l'aliment et l'aliment dans l'eau - Article aliment-et-developpement.com - Novembre 2017
L'eau dans l'aliment et l'aliment dans l'eau régissent les nombreuses opérations technologiques du champ à l'assiette du consommateur. L'humidité du produit agricole, quel qu'il soit (graines, fruits ou tubercules), est déterminante à la récolte, l'entreposage, la commercialisation et la transformation. L'eau est un indice de maturation. La qualité des produits transformés est soumise à l'eau (quantité et qualité) qui lui est ajoutée ou retirée
L’eau dans l’aliment
L’eau est le constituant le plus abondant de la plus part de nos aliments. La stabilité de l’aliment, la texture, la couleur, l’arôme, le goût et l'aptitude à la transformation en dépendent.
L’eau dans l’aliment est composée de l’eau de l’aliment et de l’eau en l’aliment de la figure 1. Si « étroite » que soit la distinction de ces deux termes, il n’en demeure pas moins qu’elle ait son importance dans diverses opérations technologiques et analytiques sur le produit biologique, en occurrence l’aliment.
Figure 1 - L'eau dans l'aliment
L’eau dans l’aliment, concerne sa disponibilité et sa quantité. Cette notion de disponibilité de l’eau conduit à distinguer « eau libre » et « eau liée ». L'"eau libre" est facilement accessible.
L’"eau de l’aliment"
dans les conditions naturelles est constituée de l'"eau liée" et de l'"eau libre". Cette "eau libre", même facilement accessible, ne sort pas spontanément de l’aliment ou de la substance organique.
Figure 2 - L' eau de l'aliment
L'"eau de l'aliment", c'est l'eau du lait, l'eau du contenu entier de l’œuf, le jus du fruit tel quel, l'eau du pain frais ou l'eau du fromage ou encore l'eau de la graine de céréale déterminée après dessiccation à l'étuve, à 60°C d'une prise d'essai de 5 g de la matière telle quelle, jusqu'à poids constant ou poids sec.
L’eau en l’aliment est l’eau apportée à l’aliment de manière naturelle (humidité de l'air) ou artificielle (humidification lors des opérations de transformation) est aussi appelée " eau libre". La figure 3 ci-dessous montre l'humidification de la semoule de blé avec trois fois son volume d'eau bouillante. La semoule gonfle (verre du milieu).
Figure 3 - humidification de la semoule de blé (1:3 v/v)
Après une heure à température ambiante (26°C), le volume de la semoule hydratée est quatre fois environ le volume de la semoule initiale. L'eau est totalement absorbée et les grains de semoule cuits.
Quant à l"'eau liée", on admet que les molécules organiques, les macromolécules, sont plus ou moins saturées par une couche monomoléculaire d’eau qui est une partie de l’eau de l’aliment. Cette eau étroitement liée aux macromolécules est appelée « eau liée». La disponibilité de l’eau dans l’aliment est exprimée par la grandeur appelée activité de l’eau (aw). Cette distinction d'"eau libre" et d'"eau liée" est liée à la structure de la molécule d'eau d'une part et à celle des molécules organiques qui sont des acides faibles d'autre part. Cette eau liée est intrinsèque à l'aliment. Aussi peut-on se poser des questions au sujet de la couche monomoléculaire d'eau des graines végétales sèches : serait-elle l'eau originelle de la graine (depuis sa formation) ? est-elle amovible par l'eau apportée ultérieurement ? quel rôle joue-t-elle dans la germination ?... la teneur en eau des semences est comprise entre 8 et 12 (% m.h.) suffirait-elle, dans les conditions de germination pour réveiller l'activité des enzymes?
L'activité de l’eau de l'aliment
La mesure de l'activité de l’eau d'un aliment, concerne de nombreuses opérations de transformations en technologies alimentaires.
Le reflet de l’accessibilité à l’eau dans un aliment est la pression partielle de vapeur d’eau de cet aliment (Pw) à partir de laquelle est calculée l'activité de l'eau (aw).
L'activité de l'eau d'un produit est théoriquement comprise entre 0 et 1. Elle est proche de 1 quand l’eau dans le produit est très accessible, disponible, c'est à dire qu'elle a un grand «degré de liberté ».
L’intérêt de la détermination de l’activité de l’eau de l’aliment concerne principalement la stabilité des aliments. En effet, le développement des micro-organismes, cause de diverses détériorations des aliments, est sous l’influence de l’activité de l’eau. Aussi, les micro-organismes se développeraient dans des aliments dont l’aw est égale à celle correspondant à leur croissance. Le tableau I montre qu’aucun aliment n’est à l’abri de développement d’une famille, d’un genre ou d’une espèce de micro-organismes.
Tableau I- Activité de l'eau et stabilité des aliments
Les réactions enzymatiques sont aussi sous l’influence de l’activité de l’eau, elle est comprise entre 0,3 environ et 0,97. Elle est fonction de divers facteurs liés à l'enzyme, au substrat et au milieu.
L’activité de l’eau est l'un des principaux facteurs qui influencent la stabilité de l’aliment.
La teneur en eau de l'aliment
La teneur en eau d'un aliment est l'expression de la quantité d'eau qu'il contient.
L’aliment est composé d’une matière sèche (m.s) et de l’eau (eau libre et eau liée). Par définition, l’aliment à analyser est la matière humide (m.h)
La détermination de la quantité d’eau dans l’aliment est un préalable en analyse alimentaire. Elle est déterminante dans l'expression et l'interprétation des résultats d'analyse.
La teneur en eau de l'aliment s’exprime comme suit (équations [m] et [n] )par rapport à la matière humide ou par rapport à la matière sèche.
Isotherme de sorption
L’activité de l’eau et sa teneur dans l’aliment sont utilisées à de nombreuses fins en chimie biochimie et technologie alimentaire. Par exemple, l’isotherme de sorption (figure 4) est la courbe représentant la teneur en eau d’un aliment en fonction de l’activité de l’eau de cet aliment pour une température donnée
Figure 4 - Isotherme de sorption (d'après Cheftel J.- C. et H. Cheftel 1989)
La courbe comprend trois parties : une section A, une courbe ascendante et une courbe descendante, selon que l’on part d’aliment sec ou d’aliment humide. L’interprétation de cette courbe est la suivante :
- la portion A correspond à l’eau fortement liée aux diverses fonctions des constituants de l'aliment dont les macromolécules ;
- la courbe ascendante ou courbe d’adsorption et la courbe descendante ou courbe de désorption correspondent à l’eau libre ou l’eau faiblement liée de l’aliment.
On constate que les deux courbes, adsorption et désorption qui devraient théoriquement se superposer ne se superposent pas. Cela est dû aux nombreux facteurs qui influencent la rétention d’eau.
L’établissement d’isotherme de sorption des aliments permet de :
- faire des prévisions sur le comportement d’un aliment lors d’un traitement. Il donne une indication sur l’hygroscopicité d’un produit lors de l’entreposage ;
- prévoir une réhumidification d’un produit sec lors d’une reconstitution ou lorsque le séchage a été effectué au–delà du seuil de déshydratation voulu.
L’eau dans l’aliment revêt de nombreux intérêts en technologie (transformation et conservation) et en chimie analytique. La figure 5 résume d'une part ce que représente l'eau dans l'aliment, son activité (aw) et sa teneur (%m.h. ou %m.s.), et d'autre part les différentes utilisations qui en découlent.
Figure 5 - Influences de l'eau dans l'aliment
L’aliment dans l’eau
L’eau est un solvant de l’aliment. L’eau et l’aliment constituent une solution.
Le comportement des constituants de l’aliment diffère en présence de l’eau. Il en résulte divers types de solutions. Cette diversité de comportement est liée aux propriétés physico-chimiques de l’eau d’une part et à la composition de l’aliment d’autre part. Le tableau II donne quelques caractéristiques physico-chimiques ayant influence sur le comportement d'une protéine en solution aqueuse.
L'aliment dans l'eau a les comportements suivants :
- l'aliment flotte ou décante. Les deux phases liquide et solide sont nettement séparées, comme le montre la figure 60 ci-dessous, le jaune d’œuf dans l"eau ;
Figure 6 - Jaune d'œuf dans l'eau (prises de vues de face et de haut)
- l'aliment est dissout, la solution est homogène et a l'apparence du solvant, l'eau, c'est le sucre ou le sel dans l'eau ;
- l'aliment absorbe l'eau, l'ensemble forme une seule phase solide. L'aliment gonfle (figure 57) ou s'étale;
- l'aliment est dilué et l'ensemble formé est une seule phase aqueuse, homogène et ne décante pas. Le lait en est un exemple. Il est constitué de 85% d'eau et 15% de matière sèche en moyenne. Celle ci constitue l'essentiel nutritif du lait. On peut citer également l'empois d'amidon avant refroidissement et synérèse ou encore l'empois de semoule délayé dans le lait (Figure 7).
Figure 7 - Empois de semoule de blé dans du lait. Cette solution rappelle le "Foura da nonno", en Afrique de l'ouest. Toute la peine que ces femmes se donnent au mortier et au pilon de bois, c'est pour donner une cohésion parfaite à ce produit, le "Foura da nonno".
L'aliment dans l'eau, c'est sa trame (Figure 8) lorsqu'il n'y est pas entièrement dissout, les réseaux ou mailles de molécules de l'eau ou de l'aliment. Elle est fonction de l'ionisation de l'eau de la composition de l'aliment et aussi de sa teneur dans le solvant. Les liaisons faibles (liaisons hydrogène) établies avec l'eau caractérisent sa stabilité dont découlent de nombreuses investigations dans divers domaines de la technologie, de l’analyse et de la recherche et développement:
- les modifications biochimiques des constituants de l’aliment, dont les macromolécules, par l’action d'enzymes;
- la formulation des émulsions et gel et leurs préparations et l’étude de tous les phénomènes d’écoulement que déterminent les propriétés rhéologique de la trame.
- les transformations comme l’hydrolyse des macromolécules biologiques, les fermentations de leurs constituants;
- Les propriétés de l'aliment dans l'eau régissent les opérations de séparation ou de concentration de ses constituants dont: la décantation, l'osmose, la centrifugation et les techniques mécano-membranaires (la filtration, l'ultrafiltration, la nanofiltration).
Figure 8 - Aperçu de la trame de l'aliment dans l'eau