Alimentation et nutrition   ñ

Sciences et techniques

L'aliment, "se nourrir et être rassasié"

Article n°13


Composition des aliments : la fonction de l'ADN  


La fonction de l'ADN en alimentation est double. In vivo, elle  est  celle de la  macromolécule mère  des substances organiques composant l'aliment: (les glucides, les lipides, les protéines et les vitamines). In vitro cette fonction est celle de la macromolécule outil par la transgenèse, la mutagenèse et les autres méthodes utilisant la recombinaison  génétique (fusion de protoplastes) dans l'amélioration quantitative et qualitative de ces substances organiques composantes de l'aliment. 

L'ADN macromolécule mère

L'ADN est la source des macromolécules constituantes de l'aliment. En effet,  les gènes, segments d'ADN, portent l'information liée à la synthèse, à l'utilisation et à la dégradation de ces macromolécules par l'organisme. 

L'information portée par le gène est sous forme de code par lequel sont générées des chaînes polypeptidiques et des ARN (ARNt, ARNr et autres petits ARN).  La formation du polypeptide passe par celle d'une molécule d'ARN, l'ARNm. Le phénomène par lequel cela se produit est la transcription. 

La transcription 

La transcription ressemble à la réplication de l'ADN à ces exceptions : un fragment d'un brin de l'ADN est copié et il l'est  plusieurs fois dans la vie d'une cellule. La séquence nucléotidique du brin d'ARN obtenu est complémentaire de celle du fragment du brin de l'ADN matrice. Les quatre bases organiques constituants de l'ARN sont deux bases pyrimidiques l'uracile (U) et la cytosine (C) d'une part et deux bases puriques l'adénine (A) et la guanine (G) d'autre part. L'ose du nucléotide est le ribose.La transcription démarre en un site de l'ADN appelée promoteur et s'arrête au niveau de séquences spécifiques appelées terminateurs. Il existe trois types principaux d'ARN dans la cellule : l'ARN messager, l'ARN ribosomal et l'ARN de transfert. Ils sont différents dans leur forme, leur taille et leur fonction. L'ARN issu directement de la transcription subie une maturation avant d'être fonctionnel. La transcription et la maturation de l'ARN sont régulées. La figure 153 schématise la transcription 


Figure  153 - De l'ADN à l'ARN messager fonctionnel  

La traduction

Les gènes contenus dans l'ADN sont des gènes des ARN ribosomaux et de transfert,  les gènes de régulation (gène promoteur et gène opérateur de l'opéron lactose chez la bactérie) et gènes de structure. Des gènes de structure est transcrit L'ARN messager.  l'ARN messager mature est traduit en polypeptide par des fonctions spécifiques de l'ARN ribosomal et de l'ARN de transfert (Figure 154 ). Cette lecture est basée sur la correspondance entre le triplet de base (codon) de l'ARN messager sur lequel est positionné l'ARN ribosomal et un acide aminé. L'acide aminé est reconnu et porté sur le site de la traduction par l'ARN de transfert qui se fixe au codon de l'ARN messager. La lecture est linéaire et séquentielle  et ne doit  permettre aucune équivoque. Aussi, la correspondance en codon et acide aminé ou code génétique est fidèle et universelle. Le polypeptide synthétisé peut subir une transformation de forme et de conformation, s'associé à des polypeptides de même nature ou non pour former une protéine. 


Figure 154  - De l'ADN au polypeptide

L'expression de l'information

La protéine est l'expression de l'information portée par l'ADN codant. Cette information transcrite en ARN messager est traduite en chaîne polypeptide laquelle est  structurée en protéine. 

La protéine à son tour s'exprime. Elle  peut entrer dans  la constitution du tissu de l'organisme ou son renouvellement. La protéine peut  avoir une activité biologique et dans ce cas elle est une enzyme. Peu d'enzymes sont entièrement protéiques.  La plupart des enzymes sont constituées de deux parties : l'apoenzyme qui est entièrement protéique et le coenzyme non protéique.

La composition du tissu biologique, les activités biologiques dont le métabolisme et la reproduction en particuliers constituent l'expression de l'information (Figure 155). Elle définit les caractères d'un individu ou phénotype. Quelque fois l'expression du gène dépasse le cadre de l'individu. C'est la production et l'utilisation de protéines et de métabolites en dehors de l'individu. La biotechnologie porte sur l'ensemble des manipulations portant sur le gène et  son expression. Ainsi le domaine de la biotechnologie couvre de nombreuses disciplines scientifiques.  On distingue depuis peu des disciplines propres à la biotechnologie, la somme du génie génétique, du génie enzymatique et du génie microbiologique qu'est le génie biomoléculaire présent  à toutes les étapes de la manipulation du gène à la protéine; la chimie biomoléculaire s'intéresse à l’analyse de la manipulation génétique et à l'utilisation de l'expression du gène (physico-chimie, biocatalyse et  biotransformation).


Figure 155 - Expression de l'information génétique 

L'expression de l'information génétique, c'est de l'ARN à la fonction de la protéine et fait de l'ADN un outil dans la production de l'aliment.

L'ADN macromolécule outil de la production de l'aliment

Pour améliorer la production des aliments  en quantité et/ou en qualité, la recherche et développement,  agricole  en particulier, a recours à la sélection variétale. Celle-ci doit son développement à  la culture in vitro.

La culture in vitro a révolutionné la production agricole en rendant possible  la manipulation génétique. 

La manipulation génétique est un ensemble de modifications de l'ADN, par conséquent celles de l'information. 

Ces modifications ou mutations sont principalement de deux types et sont provoquées. Lorsque les altérations sont ponctuelles et portent sur un nombre limité de nucléotides on parle de mutation nucléotidique, tandis que les recombinaisons non homologues, modification de l'ADN,   sont dites  mutations par transfert d'ADN.

On donne le nom de mutagénèses les manipulations d'ADN conduisant à la production d'un organisme vivant porteur de gène d'intérêt induit par l'action d'un mutagène sur un gène existant. 

Les manipulations de recombinaisons non homologues effectuées par transfert et insertion d'un gène d'intérêt constitue la transgénèse.  Elles concernent des séquences plus importantes d'ADN et conduisent à la production d'organismes vivants porteur d'un gène d'intérêt absent du génome de l'organisme à l'origine . 

 La culture in vitro

Le développement rapide du génie génétique en production végétale est rendu possible par une longue période de mise au point de la culture in vitro (culture en milieu nutritif synthétique) de tissus, d'organes végétaux ou de cellules.

La culture de tissu est fondée sur la totipotence des cellules végétale dont le concept vit le jour au début du siècle dernier.  

La culture d'organes repose sur l'aptitude qu'ont les végétaux à se régénérer à partir d'un seul de leurs fragments

 Les méthodes dites de multiplication in vitro permettent de produire à partir d'une plante mère unique une infinité de plantes filles identiques. Les principales techniques, les plus courantes, sont le microbouturage  et  la culture de méristèmes (Figure 156)

 Figure 156 - La multiplication in vitro


 Microbouturage 

La  technique consiste à placer de petits fragments d'organes (de tiges généralement) dans des tubes à essai contenant un milieu nutritif synthétique. En quelques semaines, ils parviennent à différencier des racines et des ramifications aériennes. Une fois bouturées, ces «ébauches» de plantes donnent  naissance à des plantes entières. 

La culture de méristèmes 

Cette technique est à l'origine des premières applications des cultures de tissus végétaux. La culture de méristèmes (tissus embryonnaires responsables de la croissance en longueur et situés à l'extrémité d'une plante sont indemnes de toute  infection virale) peut, elle aussi, régénérer des végétaux entiers. La culture de méristèmes permet d'assainir les variétés en leur garantissant une descendance exempte de virus. En effet, le méristème d'une plante virosée reste toujours sain, quelle que soit l'ampleur de l'infection. La micropropagation in vitro,  une application de la culture de méristèmes,  consiste à mettre en culture sur milieu nutritif un fragment d'un plant régénéré ayant au moins un bourgeon axillaire. On obtient autant de nouveaux individus qu'il y avait de fragments. Ainsi, de nombreuses espèces végétales peuvent être cultivées dans des pots qui peuvent être entreposés sur plusieurs étagères. Le gain d'espace est considérable : 100 m2 d'étagères portant  correspondent à 100 ha de terrain de terrain cultivé.

La culture de cellules 

Les cellules isolées d'un fragment de tissu d'une plante peuvent être mise en culture  sur un milieu nutritif solide  ou  liquide. Une masse de tissu informe (un cal) se développe alors dans le tube à essai, se structure peu à peu et donne naissance à plusieurs embryons dits somatiques (par opposition aux embryons issus de la reproduction sexuée) qui constituent autant de plantes adultes en puissance.

Les embryons somatiques obtenus peuvent être enrobés dans de petites capsules de gel qui assurent leur protection et leur nutrition.  Ainsi conditionnés, ces embryons sont de véritables semences susceptibles de germer en terre.  

La culture de cellules isolées permet la sélection de variétés à haut rendement agronomique. Par cette technique les variétés résistantes aux conditions agronomiques défavorables (maladies, pH du sol, vigueur, herbicide…) sont sélectionnées.

Les protoplastes végétaux, cellules végétales dépourvues de leur paroi mais ayant conservé leur membrane cytoplasmique intacte peuvent être mise en culture. L'intérêt de la culture de protoplastes est devenue important lorsque différentes méthodes physiques et chimiques ont permis leur fusion suivie de la régénération des produits de fusion. Ainsi, des protoplastes de diverses variétés peuvent être fusionnés. La plante régénérée à partir du produit de la fusion est un hybride somatique (4n) ou un cybride (2n).

La culture de cellules in vitro concerne également les microspores (haploïdes) issus de la méiose. Cultivés sur un milieu approprié ils régénèrent une plante haploïde  (n) stérile.  La figure 157 résume les cultures in vtro de cellules végétales.

Figure 157 - Culture de cellules

C'est par la culture in vitro, production d'organismes vivants, que la manipulation de l'ADN s'exprime.

La mutagenèse

La mutagenèse est manipulation de l'ADN dont les conséquences sont les modifications de l'information génétique ou mutations. Elle consiste à induire des altérations  de l'ADN.  Celles-ci affectent un nombre limité de nucléotides.  La modification de l’information dans ce cas est dite mutation nucléotidique. 

Les principales mutations nucléotidiques portent sur le remplacement d’une base par une autre (substitution), l’ajout ou la perte (délétion) d’une bases ou de plusieurs. Ces altérations, des erreurs  de réplication ou de réparation qui surviennent naturellement  peuvent être induites.

L'altération peut porter sur la qualité d'une base organique (Figure 158) . Elle est enzymatique  comme la méthylation de l'adénine et de la cytosine.

Figure 158 - Altération enzymatique de bases organiques

L'altération du nucléotide peut être non enzymatique (Figure 159). La désamination de la cytosine donne l'uracile et la dépurination  de la guanosine donne la guanine  et un résidu apurinique. 

Figure 159 - Altération non enzymatique de nucléotides

Ces nucléotides modifiés sont reconnus comme une altération de l'ADN par l'ingénierie de la réplication et sont remplacés ou ne sont pas transcrits. 

 La transgénèse 

Le transfert de gène est une technique utilisée pour améliorer la production agricole en quantité et/ou en qualité. Ce transfert de gène est fait depuis que les plantes  existent sur terre de manière naturelle par la voie sexuée. En production végétale, le blé n'est-il pas un hybride de trois plantes ?

Le transfert de gènes est rendu possible par les techniques de culture in vitro  des cellules (Figure 156). Ainsi La fusion puis la culture de protoplastes de pomme de terre et de tomate a donné le pomate. Les exemples n'en manque pas chez les agrumes et autres fruits.

Le transfert de gènes résumé par la figure 160 est le fruit du génie génétique. Les produits (organismes vivants) de cette manipulation sont couramment appelés OGM (Organismes Génétiquement Modifiés). Ces plantes transgéniques portent dans leur génome un gène étranger. Ce gène introduit leur confère des caractères héréditaires qui leur sont étrangers à l'état naturel. Cela est réalisé dans le but de les rendre  résistantes  à un herbicide ou à un parasite, accroître leur  teneur en métabolites d'intérêt, retarder le vieillissement des tissus dans le cas des fruits…

La transformation dirigée des cellules végétales, dont le produit final est le produit agricole vivant, l' OGM, est directe ou indirecte.

Dans tous les cas, l'ADN porteur du gène désiré doit être isolé de la cellule de l'organisme donneur. 

La première opération de la manipulation génétique consiste en l'extraction des acides nucléiques d'une cellule; pour l'ADN, le type cellulaire importe peu, car il est identique dans toutes les cellules d'un organisme. Chez les végétaux, on utilise directement des cellules, en culture ou non. Pour extraire l'ADN   on fait éclater les cellules et on récupère  les noyaux; ceux-ci subissent l'action de détergents qui fragile leur membrane et libère l'ADN; celui-ci subit une purification qui le débarrasse des protéines auxquelles il est associé dans la chromatine; l'ADN libéré et purifié est ensuite précipité et récupéré    sous forme de filaments blanchâtres et visqueux, visibles à l'œil nu. Lorsqu'un nombre important de cellules a été traité, l'ADN précédemment extrait constitue une banque génomique.

L'ADN chromosomique, du fait de sa structure complexe, est parfois une mauvaise source de gènes, et, il est possible de partir d'un ARN messager, lorsqu'il existe en quantité suffisante dans certaines cellules. L'obtention des acides ribonucléiques suit à peu près le même procédé que celle de l'ADN : la première étape consiste à inhiber l'activité des enzymes responsable de la dégradation des ARN; L'ARN messager sert à fabriquer, grâce à une enzyme dite «transcriptase reverse», un ADN complémentaire (ADNc).

Les opérations de transfert se font à partir de banques génomiques et les banques de copies d'ADN ou ADNc

Le  gène doit être récupéré  de la macromolécule extraite et purifiée. Les enzymes de restriction  coupent l'ADN de manière spécifique et reproductible au niveau d'une séquence particulière de bases: les extrémités créées sont complémentaires les unes des autres. Après la fragmentation de l'ADN il faut pouvoir isoler le fragment contenant le gène d'intérêt et le multiplier. Chacun des fragments issus du découpage est inséré dans un  vecteur du clonage.

Le choix du vecteur se fait en fonction des objectifs poursuivis et de la taille de l'acide nucléique à manipuler : il s'agit de plasmides, de phages, ou bactériophages (virus de bactéries), ou de cosmides (vecteurs artificiels, de type plasmidique, auxquels ont été ajoutées des extrémités spécifiques, appelées cos). Le plasmide choisi est fragmenté par la même enzyme de restriction que pour l'ADN étudié; les extrémités obtenues étant ainsi complémentaires de celles du fragment, la ligature (création de liaisons grâce à des enzymes ligases) est possible. Un seul fragment s'insère dans chaque plasmide. Chacun des  plasmides recombinés est introduit dans une bactérie (c'est l'étape de transformation), dont les membranes sont rendues perméables par des techniques appropriées. Les bactéries, mises en culture (c'est l'étape   de multiplication), donnent alors naissance à autant de colonies (clones). Ensuite il faut repérer le clone recherché c'est le "criblage". Pour cela on utilise soit un fragment dont la séquence de bases est complémentaire (sonde) de celle du gène ou, si cette dernière est inconnue, on met en évidence la  fonction du gène (synthèses protéiques, etc.) en repiquant la bactérie porteuse du gène dans son plasmide. Une fois le gène repéré, il en est fait plusieurs copies (c'est l'amplification). Puis vient l'insertion du gène étranger. Cet transfert peut être direct. Par diverses techniques, le gène peut être incorporé à l'ADN de la cellule végétale. Le protoplaste est le matériel le mieux approprié.

Le protoplaste modifié, le reste de l'opération est identique à ce qu'on a vu précédemment sur la culture des cellules.

Le transfert peut être indirecte. Il est réalisé  à l'aide d'un vecteur microbien. Dans la transformation des cellules végétales, Agrobacterium tumefaciens, bactérie du sol capable d'introduire spontanément tout ou une partie de l'information génétique qu'il porte dans le génome de la plante qu'elle parasite est le plus utilisé. Au préalable, on remplace les gènes tumoraux d'Agrobacterium tumefaciens par le plasmide de la bactérie porteuse. Agrobacterium tumefaciens intègre le plasmide de la première bactérie dans son génome. Ainsi modifiée cette seconde bactérie  transfère son nouveau génome au protoplaste qu'il "parasite" . Ce dernier est mis en culture pour donner  une plante OGM. Ainsi modifié Agrobacterium tumefaciens parasite naturel, ne l'est plus .

Les organismes vivants issus de la mutagénèse ne comportent pas d' ADN apporté aussi ils diffèrent de ceux issus de la transgénèse. Toutefois l'information codée par les deux séquences d'ADN peut être la même. De même l'information  codée peut être différente, mais les protéines qui en résultent peuvent avoir la même expression soit dans la constitution de tissu soit dans l'activité biologique et conférer à l'organisme la même caractéristique d'intérêt recherchée. 

La  nature effectue la mutagénèse et la transgénèse. En recherche et développement ces manipulations sont conduites en toute responsabilité et méthode (évaluation, prospective et perspective). Elles sont la mutagénèse et la transgénèse.  Ainsi, il ne serait pas excessif, de par l'engagement et la responsabilité scientifique, d'appeler OGM,  pour Organismes Génialement Modifiés, les produits vivants issus de la mutagénèse et  de la transgénèse, qui sont des résultats du génie génétique. 

Aussi vrai que des séquences d'ADN apportées ou néosynthétisées  sont d'intérêt alimentaire,  il est aussi vrai que nul ne peut prévoir leur devenir aux conséquences non souhaitées, sans la recherche et développement. 

La recherche sur ces manipulations continue pour deux raisons principales: pour l'intérêt du moment qu'elles présentent dans l'amélioration de la  production alimentaire et pour l'innocuité que l'on connait aux productions (s'il y a une potentielle nocivité, il faut la trouver et corriger); mais aussi, parce que la nature fait de la mutagenèse et de la transgenèse.  Elle aussi peut faire des erreurs affectant la sécurité alimentaire et il faut prévoir, savoir, prévenir et y remédier. 

Suite 


 

Figure 160 - Schéma des étapes de la transgenèse